La Colombie doit respecter sa population et son droit à manifester pacifiquement.
L’ITF s’associe à la communauté internationale pour exprimer sa profonde consternation face à la violence déployée par les autorités colombiennes pour réprimer, sans succès, des manifestations tout à fait légales.
Alors que les manifestations en sont à leur dixième jour, l’ITF s’associe aux syndicats, aux gouvernements, aux Nations Unies et à l’Union européenne pour condamner les violences, appeler au calme et exhorter le gouvernement à intervenir d’urgence pour suspendre les auteurs des violences policières.
« La liberté de manifestation et d’assemblée, la liberté d’association des travailleurs et la liberté de déplacement sont toutes inscrites dans la Constitution colombienne », a déclaré Stephen Cotton, Secrétaire général de l’ITF. « Pourtant, les autorités piétinent sans vergogne ces libertés fondamentales. L’ITF exhorte le gouvernement à garantir ces droits et à montrer la voie de l’apaisement, en retirant la police et l’armée des rues et en demandant aux officiers d’assurer un rôle de contrôle civil et non de défense. »
Le gouvernement colombien devrait rétablir l’ordre en adoptant une approche plus civilisée face aux manifestations. Il est également essentiel d’abolir l’Escadron mobile anti-émeutes (ESMAD), qui se trouve à l’origine des violences aveugles commises lors des manifestations, aujourd’hui et dans le passé.
La réforme fiscale a mis le feu aux poudres
Le gouvernement a proposé une réforme fiscale qui pénaliserait principalement les plus pauvres, au profit des grandes entreprises. Les syndicats et les mouvements sociaux ont répliqué par une grève générale débutée le 28 avril 2021. La grogne a gagné en ampleur quand les Colombiens ont compris les répercussions de ces nouvelles lois, qui exacerberaient plus encore la fracture sociale.
Le dimanche 2 mai 2021, le Président Iván Duque a retiré la réforme fiscale et le Ministre des Finances a démissionné. Mais les manifestations ont continué, pour dénoncer d’une part les brutalités policières et militaires, et de l’autre, l’agenda antisocial du gouvernement.
À ce jour, entre 30 et 37 manifestants ont été tués, et 87 sont portés disparus. Des centaines d’autres ont été blessés ou arrêtés arbitrairement.
Le Président de l’ITF, Paddy Crumlin, estime que la Colombie n’a jamais réussi à se défaire de ses milices, lesquelles contribuent à la situation explosive d’aujourd’hui.
« Les milices ont assassiné des centaines de syndicalistes et de militants sociaux ces deux dernières années, et près de 3000 depuis 1985. Pour que justice soit vraiment faite pour les travailleuses et travailleurs colombiens, et pour que la Colombie devienne un pays vraiment sûr, celle-ci doit éradiquer ses milices », déclare Crumlin.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme s’est dit « profondément alarmé » et « sous le choc » de voir la police ouvrir le feu sur les manifestants majoritairement pacifiques. Les Nations Unies ont appelé au calme et rappelé aux autorités de l’État leur responsabilité de protéger les droits de l’homme. L’Union européenne a également condamné les violences, jugeant prioritaire d’éviter tout usage disproportionné de la force.
Les syndicats ont créé un Comité national de grève (Comité Nacional de Paro) pour décider des prochaines étapes et pousser le gouvernement à négocier.
Grande vulnérabilité des travailleuses et travailleurs des transports
Notre affilié colombien Sindicato Nacional de Trabajadores de Rama, Servicios de la Industria del Transporte y Logística de Colombia (SNTT) signale que les travailleuses et travailleurs des transports entraînés dans ce chaos sont particulièrement vulnérables. Avec la grogne généralisée que suscite l’inefficacité du système de bus à haut niveau de service (BRT), les gares routières sont prises pour cible. À ce jour, 700 bus ont été dégradés, et plus de 50 billetteries ont été détruites.
TransMilenio, la société responsable de la gestion des bus, refuse pour l’instant de protéger les employés et les oblige à se rendre au travail alors que les bus ne peuvent fonctionner durant les manifestations. Cette situation est particulièrement inquiétante pour les effectifs de la billetterie de Recaudo Bogota, composés à plus de 80 % de femmes.
« La société oblige les travailleurs à rester dans les gares routières, alors que les violences et les brutalités policières augmentent », déplore un employé. « Quatre ou cinq d’entre eux ont dû rester calfeutrés dans leur cabine pendant des heures en attendant la fin des violences, craignant pour leur vie. »
Le SNTT fait partie de la coalition de syndicats qui soutiennent pleinement la grève générale et poursuivent les manifestations pacifiques appelant à des réformes. Cependant, il veut également protéger les travailleuses et travailleurs qui se retrouvent pris au piège dans cette spirale de violence.
« Le gouvernement Duque a reconnu le besoin de dialoguer avec les syndicats nationaux, et nous l’exhortons à éviter de déclarer l’état d’urgence à tout prix », a indiqué Esteban Barboza, Président du SNTT. L’état d’urgence placerait les militaires discrédités au pouvoir. « Le gouvernement devrait plutôt commencer à négocier de bonne foi le 10 mai et adopter une approche plus conciliante pour désamorcer la crise au plus vite. »
Le Secrétaire régional de l’ITF, Edgar Díaz, a exprimé la solidarité des travailleuses et travailleurs des transports du monde entier au peuple colombien, et en particulier aux effectifs des transports et aux affiliés de l’ITF.
« Nous ne pouvons tolérer les exactions policières et la violence de l’armée et des milices prenant pour cible des travailleuses et travailleurs qui manifestent pacifiquement. Les syndicats de l’ITF du monde entier, et de toute l’Amérique latine, sont prêts à exprimer leur solidarité à leurs frères et sœurs de Colombie par tous les moyens concrets possibles. Nous continuerons tant que les violences n’auront pas cessé », a déclaré Díaz.
L’ITF soutient les revendications du Comité national de grève
- Le gouvernement doit garantir et respecter la liberté de déplacement, la liberté de manifestation et d’assemblée, et la liberté d’association des travailleuses et travailleurs, qui sont garanties par la Constitution.
- Démilitarisation de la réponse policière aux manifestations, et poursuites contre les auteurs de violences policières. Ceci implique de transférer la compétence police du Ministère de la Défense vers le Ministère de l’Intérieur.
- Mesures efficaces contre les milices de droite.
- Abolition de l’Escadron mobile anti-émeutes (ESMAD).
- Le gouvernement doit éviter d’exacerber la situation en déclarant l’état d’urgence, et s’orienter vers une négociation avec le Comité national de grève.