Des risques planent sur le canal le plus fréquenté au monde et le quotidien des milliers de travailleurs qui assurent son bon fonctionnement, met en garde le syndicat UCOC (Unión de Capitanes y Oficiales de Cubierta), affilié à l’ITF. L’Autorité du Canal de Panama (ACP) a commencé à prendre des libertés avec les mesures de sécurité Covid décidées de commun accord avec le syndicat.
Le syndicat explique que l’Autorité du Canal de Panama assouplit des mesures prises pour éviter la contamination des travailleurs ou leur épuisement du fait de la surcharge de travail durant la pandémie.
Quand le gouvernement du Panama a commencé à mettre en place des protocoles Covid sur les lieux de travail en mars, l’Autorité du canal, qui est une entité publique, a adopté des règles de distanciation sociale et mesures de prévention, dont beaucoup à l’initiative du syndicat. Initialement, l’employeur souhaitait des roulements de 12 heures pendant 7 à 10 jours de suite afin de maintenir la productivité avec moins de personnel.
Le syndicat a refusé, veillant à ce qu’une rotation soit assurée pour limiter la fatigue des effectifs. De cette manière, les travailleurs ne devaient effectuer ce roulement de 12 heures que pendant trois ou quatre jours de suite au maximum. Le protocole d’accord entre ACP et le syndicat énonçait également des mesures de distanciation sociale spécifiques ainsi que des dispositions portant sur le nombre minimum de jours de repos, les horaires spéciaux et l’utilisation des docks pour la relève des équipages des remorqueurs. L’UCOC a également obtenu des logements et paniers repas pour les travailleurs qui ne souhaitaient pas rentrer chez eux par crainte de contaminer leurs proches en cas d’infection.
Mais l’Autorité du canal est maintenant décidée à défaire les mesures Covid-19 convenues avec le syndicat. Initialement, il s’agissait de refléter la décision du gouvernement panaméen d’assouplir les restrictions Covid pour relancer l’économie du pays. Mais la population s’inquiétant du nombre de cas reparti à la hausse, le gouvernement a réinstauré les restrictions.
Alors que le pays se prépare à un nouveau confinement, ACP devrait maintenir les restrictions convenues avec le syndicat, estime ce dernier. En vertu du protocole d’accord, ACP est censée consulter le syndicat pour tout changement d’horaires et rotations avant de revenir aux conditions de travail normales, et toute modification devrait respecter à la lettre les consignes du Ministère de la Santé. Maintenant que le gouvernement réintroduit des restrictions, le syndicat estime qu’ACP ne tient pas son engagement de faire passer la santé des travailleurs au premier plan et de respecter toutes les consignes gouvernementales contenues dans l’accord.
Cette décision d’assouplir les restrictions Covid malgré l’augmentation du nombre de cas au Panama est un pari risqué pour l’Autorité du canal. Avec une multiplication des infections, c’est une main-d’œuvre précieuse qui se trouverait dans l’incapacité de travailler, avec à la clé la paralysie de l’un des plus grands canaux du monde et la déstabilisation des chaînes d’approvisionnement mondiales.
L’UCOC, par l’intermédiaire de son porte-parole, a déclaré : « Une nouvelle fois, les travailleurs du Canal de Panama sont exposés à un grand risque de par le refus d’ACP de continuer de respecter le protocole d’accord qui vise à protéger le personnel et l’intégrité des opérations. Le travail des remorqueurs est essentiel pour l’activité du Canal et nous ne pouvons tolérer que notre santé soit mise en danger à cause du refus d’ACP d’affecter des ressources à notre protection. Nous exigeons le maintien des conditions de travail particulières. »
Edgar Díaz, Secrétaire régional par intérim de l’ITF pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a réitéré l’engagement de l’ITF à protéger les droits des travailleuses et travailleurs des transports, essentiels en cette période de pandémie : « Nous constatons avec inquiétude que des pays de la région assouplissent les mesures de protection pour rouvrir leur économie, ce qui expose les travailleurs des transports à de grands risques. Les gouvernements doivent maintenir des politiques strictes pour protéger les droits des travailleurs et leur santé dans cette relance économique. Dans le cas présent, le gouvernement du Panama et ACP ne doivent pas considérer les travailleurs du Canal comme une main-d’œuvre jetable, et comprendre qu’il est crucial de respecter les accords de protection, puisque les travailleurs ont un rôle essentiel à jouer dans les activités du Canal, qui sont si vitales pour les chaînes d’approvisionnement mondiales. »
Cette démarche d’assouplissement des mesures de bon sens convenues avec le syndicat survient alors que de nouvelles infections sont constatées sur le site du Canal, avec une augmentation du nombre de cas positifs la semaine dernière. On dénombrait 21 422 cas de Covid-19 au Panama au 17 juin, dont plus de 4 300 rien que ces sept derniers jours. Le virus a fait plus de 450 victimes, dans ce pays de 4 millions d’habitants.
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