D’après les estimations de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), quelque 300 000 gens de mer seraient actuellement pris au piège à bord des navires où ils travaillent, victimes de la crise de relève des équipages consécutive aux restrictions de voyage et à la fermeture des frontières liées au Covid-19 ; un même nombre serait actuellement sans emploi, à terre, dans l’attente de pouvoir rejoindre ces navires. 600 000 marins sont ainsi touchés par cette crise.
Il y a un mois, en déclarant « trop, c’est trop ! » aux gouvernements du monde entier, l’ITF et ses affiliés annonçaient qu’ils allaient à présent prêter secours aux gens de mer aux quatre coins du globe afin de faire valoir leur droit de cesser de travailler, de quitter les navires et d’être rapatriés chez eux auprès des leurs, si tôt leur contrat arrivé à échéance.
Selon le Secrétaire général de l’ITF, Stephen Cotton, certaines évolutions positives ont pu être constatées depuis le 15 juillet mais les progrès des gouvernements restent trop timides pour permettre l’application des exemptions pratiques et des protocoles requis en vue d’assurer la bonne exécution des changements d’équipage, partout dans le monde.
« 300 000 marins sont piégés à bord de ces navires, quand 300 000 autres restent chez eux désœuvrés, au bord du gouffre financier, attendant désespérément qu’on les appelle afin de relever ces équipages et recommencer à toucher un salaire. Les gouvernements sont le principal écueil à surmonter pour résoudre cette crise de relève des équipages, qui ne cesse de s’intensifier, » a déclaré Stephen Cotton.
« Les gouvernements doivent se réveiller et ouvrir les yeux sur cette situation absolument insoutenable et inacceptable : si les relèves d’équipage ne sont pas rétablies, le nombre de gens de mer fatigués et à bout de force, piégés à bord de ces navires et contraints à continuer de travailler, ne cessera de croître, représentant ainsi un danger pour eux-mêmes, pour leur navire et pour notre environnement maritime.
« Les gens de mer et leurs syndicats sont profondément préoccupés par les risques de pertes de vies humaines et de dommages aux biens et à l’environnement, dès lors que la probabilité d’une (ou de plusieurs) catastrophe(s) majeure(s) augmente jour après jour. Les gouvernements doivent agir avant que davantage de personnes ne perdent la vie ou, pire encore – avant qu’une catastrophe majeure ne survienne en mer. Des mesures s’imposent de toute urgence. »
« Le mois dernier, nous avons clairement fait comprendre qu’il y a des limites à ne pas dépasser, et que l’ITF et ses affiliés étaient disposés à soutenir les gens de mer afin de leur permettre d’exercer leur droit d’arrêter de travailler, de quitter les navires et de regagner leur foyer, si tôt que leur contrat aurait expiré et qu’ils pourraient le faire en toute sécurité. Depuis, nous avons dispensé des conseils et aidé des milliers de gens de mer à comprendre comment ils pouvaient faire valoir ce droit fondamental, » a déclaré Stephen Cotton.
Le Président de la Section des gens de mer de l’ITF, Dave Heindel, a déclaré que l’ITF et ses partenaires sociaux avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour tirer la sonnette d’alarme et susciter des changements d’ordre pratique dans le but de faire relever les équipages.
« Nous avons travaillé ensemble avec nos partenaires pour trouver des solutions pratiques et les proposer aux gouvernements. Nous nous félicitons des propositions élaborées par certains gouvernements afin de permettre aux gens de mer de débarquer et d’être relevés par un nouvel équipage, à l’image de l’octroi de visas à l’arrivée et des exemptions de visa ; malheureusement, à l’échelle mondiale, les gouvernements sont bien loin de prendre les mesures nécessaires et certains font même marche arrière, » a déclaré Dave Heindel.
« Le fait que certains pays aient suspendu les permissions à terre des gens de mer ou commencé à limiter le nombre de personnes autorisées à pénétrer chaque jour sur leur territoire est inacceptable. Les pays qui dépendent du commerce maritime, comme l’Australie et la Russie, doivent commencer à faire valoir leur poids sur cette question, » explique-t-il.
« De plus, nous avons été clairs quant au fait que l’ITF et ses syndicats affiliés mettront un point d’honneur à s’assurer que les 13 gouvernements ayant pris part, ce mois-ci, au Sommet maritime international virtuel sur les relèves d’équipage organisé par le Royaume-Uni, respecteront les engagements pris à cette occasion. Nous avons bien l’intention de leur demander des comptes et d’en encourager d’autres à se joindre à ces gouvernements progressistes. Cette crise exige une approche uniforme de l’ensemble des gouvernements, prenant au sérieux les besoins des gens de mer à travers le monde. Les belles paroles des gouvernements ne sont plus une solution acceptable. »
« En outre, la famille ITF dénoncera toute tentative d’intimidation ou de mise sur liste noire des gens de mer pour avoir exercé leur droit humain de cesser de travailler et d’être rapatriés une fois leur contrat terminé, et nous les défendrons contre toute tentative visant à leur faire porter la responsabilité des conséquences inévitables de l’utilisation de cette main-d’œuvre poussée à bout de force, sur la flotte mondiale. »
« Une fois de plus, nous appelons les gouvernements à prendre des mesures concernant les visas, les mises en quarantaine et les vols et ainsi permettre le rétablissement des relèves d’équipage aux quatre coins du globe. Nous sommes disposés à explorer toute autre option qui permettrait d’amener un plus grand nombre de gouvernements à aborder cette crise avec sérieux, » a déclaré Dave Heindel.
Cliquez sur ce lien pour consulter la déclaration complète de l’ITF.
Note aux éditeurs :
A propos des « 300 000 marins »
Plus de 9 500 navires sont couverts par des accords du Forum international de négociation (IBF), conclus entre l’ITF et les employeurs respectifs. Ces navires sont exploités par près de 370 000 marins.
En juin 2020, 25 % au moins des gens de mer travaillant sur des navires IBF auraient dû être rapatriés en raison de la fin de leur contrat – ce qui signifie que 92 500 marins sont actuellement piégés à bord des 9 500 navires IBF. Cela signifie également que 92 500 gens de mer doivent être déployés afin de relever ces équipages, mais les mêmes restrictions de déplacement empêchent toute tentative en ce sens. Ils sont ainsi privés d’un revenu plus que nécessaire.
Les gens de mer employés sur des navires IBF représentent 30,8 % de la main-d’œuvre maritime mondiale, que la Chambre internationale de la marine marchande estime à 1,2 million d’individus. En prenant comme base l’effectif des navires IBF en attente de débarquement, soit 25 %, et en l’extrapolant à la main-d’œuvre maritime mondiale estimée à 1,2 million d’individus, 300 000 marins continueraient ainsi à travailler à bord des navires alors que leurs contrats sont arrivés à échéance, tandis que 300 000 autres attendraient d’être déployés pour rejoindre ces navires.
Cela signifie que 600 000 gens de mer pourraient déjà être affectés par la crise de relève des équipages, et ce nombre ne cesse de croître jour après jour.
Chiffres concernant le Corps d’inspecteurs de l’ITF
Depuis le 16 juin, l’ITF prête secours aux gens de mer afin de leur permettre de débarquer des navires et de rentrer chez eux. Jusqu’ici, cette assistance incluait notamment :
- aide et conseils à plusieurs milliers de gens de mer dans le cadre de 645 cas/inspections ;
- 2 870 courriels ; et
- plus de 500 messages Facebook ; et
- plus de 500 messages WhatsApp et Viber ;
- le groupe le plus important de gens de mer auxquels une assistance a été accordée par nationalité était originaire des Philippines.
Contact presse : media@itf.org.uk
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