Dans le contexte actuel de pandémie de coronavirus (Covid-19), le secteur de l’aviation lutte pour sa survie. Mais il n’est pas en mesure de remporter ce combat seul. Nous devons prendre aujourd’hui les décisions courageuses qui définiront l’avenir de ce secteur et la vie de millions de voyageurs et de travailleurs de l’aviation.
On estime que l’industrie du transport aérien emploie 10,2 millions de personnes de manière directe à travers le monde. Les chaînes d’approvisionnement et les secteurs connexes qui servent ou dépendent du secteur de l’aviation représentent 65,5 millions d’emplois.
Les capacités de vol ont déjà chuté de plus de 40 %. Trois mois de restrictions suivis d’une reprise progressive plus tard en 2020 devraient engendrer une perte de chiffre d’affaires de 252 milliards de dollars pour les compagnies aériennes, soit une baisse de 44 % des revenus voyageurs par rapport à 2019.
- La surabondance des vols à bas coût
- La déréglementation et la consolidation
- La sous-traitance et la fragmentation du travail
- La priorité accordée à la récompense des actionnaires et à la rémunération des dirigeants
- La dégradation des conditions de rémunération, de travail et de santé et sécurité
L’aviation sera au cœur de la relance économique et sociale consécutive à la pandémie. S’agissant du seul système de transport véritablement mondial, ce secteur permet le déplacement de pans entiers de l’économie et de nombreux aspects du commerce mondial. Les travailleuses et travailleurs de la chaîne d’approvisionnement aéronautique seront des millions à devoir retourner au travail rapidement lorsque la demande reprendra. C’est en soutenant, en protégeant et en enrichissant l’emploi dans le secteur de l’aviation aujourd’hui, que nous serons en mesure de reconstruire l’économie et la société demain.
L’aviation implique une planification sur le long terme. Toute demande d’extension des capacités suppose plusieurs années d’anticipation en raison des délais nécessaires pour la formation des pilotes, du personnel de cabine et des travailleurs en général, la modernisation des flottes et la construction des infrastructures. Si les décisions et les engagements pris aujourd’hui peuvent sembler démesurés, il est probable qu’a posteriori, l’on n’y voit finalement que des choix modestes, fonctionnels et nécessaires.
Le fait de ne pas investir dûment et de ne pas assurer la sécurité financière de l’industrie durant cette crise met également en danger la lutte contre le changement climatique qui lui emboîtera le pas. De nouvelles flottes peuvent permettre une réduction des émissions de carbone de l’ordre de 40 %. Nous avons aujourd’hui besoin d’investissements essentiels dans l’avenir de l’industrie et dans notre climat.
Le leadership des pouvoirs politiques, fondé sur une coopération étroite avec les employeurs et les syndicats, est la seule solution à ce défi.
L’ITF appelle les gouvernements à négocier avec les syndicats aux fins suivantes :
1. Reconnaître l’aviation comme un bien public qui justifie un gouvernement fort, une réglementation et une surveillance, une planification, des investissements et, lorsque cela est jugé approprié, la propriété publique ;
2. Établir et appliquer un niveau minimum de connectivité des transports, réserver les « interdictions de voyager » aux cas de dernier recours et exclure les opérations de fret aérien de toute restriction de voyage ;
3. Instaurer des instances nationales tripartites dans le secteur, réunissant des représentants des travailleurs, du gouvernement et des employeurs afin d’élaborer des stratégies, coordonner les investissements et les réponses financières, planifier l’offre de main-d’œuvre et l’ensemble des opérations aériennes ;
4. Étendre avec effet immédiat les droits aux congés de maladie, maintenir les revenus et étendre les protections sociales à tous les travailleurs, qu’ils soient formels, précaires ou informels, quelle que soit leur situation d’emploi ;
5. Réduire la sous-traitance et l’externalisation des services et emplois aéroportuaires et, lorsque cela est jugé approprié, mandater les autorités aéroportuaires afin de gérer et/ou d’employer directement l’ensemble du personnel aéroportuaire, y compris les travailleurs externalisés et intérimaires, dans les domaines de l’assistance en escale, de la sécurité, du nettoyage, et tous les services aéroportuaires ;
6. Dans le cadre de l’utilisation des aéroports, privilégier les compagnies aériennes dont le niveau de propriété publique est plus élevé, dans la perspective d’améliorer la viabilité financière des actifs publics ;
7. Proposer aux compagnies aériennes, aux autorités aéroportuaires et aux entreprises de la chaîne d’approvisionnement des programmes d’assistance et de soutien financier conditionnels, y compris à travers l’allégement de la dette, le report des impôts et des redevances, et la propriété publique des actions ;
8. Convenir de conditions encadrant ces mesures financières et autres, lorsque celles-ci ne sont pas déjà en place, y compris en ce qui a trait au rachat privé d’actions dans le sillage du relèvement de l’industrie, et ce aux fins suivantes :
- Protéger les conditions de rémunération et de travail ainsi que le bien-être de tous les travailleurs et travailleuses de l’aviation ;
- Interdire le rachat d’actions, la récompense des actionnaires et la rémunération excessive des dirigeants ;
- Démocratiser la propriété et la gouvernance, y compris à travers la représentation des travailleurs au niveau du conseil d’administration de l’entreprise ;
- Respecter les conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la liberté syndicale, la négociation collective, le travail forcé, la discrimination et la santé et la sécurité au travail pour tous les travailleurs ;
9. Plafonner les marges bénéficiaires afin de garantir le réinvestissement dans la réduction de la dette, la modernisation de la flotte, la formation et l’éducation du personnel et d’autres mesures permettant d’enrichir l’entreprise ;
10. Interdire la récompense des actionnaires, la rémunération excessive des dirigeants et le rachat d’actions durant la crise.
L’ITF appelle les employeurs de l’aviation à reconnaître et négocier avec les syndicats aux fins suivantes :
1. Identifier les menaces à la santé, aux droits et au bien-être des travailleurs et élaborer et mettre en œuvre des réponses sur le lieu de travail ;
2. Fournir gratuitement des tests de dépistage, des traitements, des formations, du matériel et des installations de formation à tous les travailleurs, et à tout travailleur accomplissant une forme quelconque de service médical dans le cadre de la crise du Covid-19 ;
3. Garantir un congé rémunéré, sous forme d’indemnité de maladie ou de congé payé, dès le premier jour d’absence, pour tout travailleur exposé au Covid-19 ou déjà infecté et protéger les salaires et garantir l’intégralité de la rémunération pour tous les travailleurs par divers moyens décidés d’un commun accord dans le cadre de la négociation collective ;
4. Reconnaître et exercer leur devoir de vigilance à l’égard de l’ensemble des travailleurs dans leur entreprise et leur chaîne d’approvisionnement, proposer un emploi formel et direct dans la mesure du possible et garantir le transfert d’entreprises pour la main-d’œuvre en sous-traitance lorsque l’emploi direct n’est pas possible ;
5. Mettre fin aux formes de travail précaires et atypiques dans leur entreprise et leur chaîne d’approvisionnement afin de protéger la santé, la sécurité et le bien-être des travailleurs et des voyageurs ;
6. Apporter des améliorations en ce qui concerne la planification ainsi que les jours et les heures de travail en vue de protéger les emplois et la santé et la sécurité des travailleurs ;
7. Convenir de taux soutenables concernant la récompense des actionnaires, les dividendes et la rémunération des dirigeants à mesure que la menace posée par le coronavirus recule ;
8. Veiller à ce que chaque travailleur puisse regagner son lieu de travail habituel si les mesures de confinement locales et/ou nationales l’en empêchent, du point de vue financier ou logistique ;
9. Protéger la vie privée et les renseignements personnels des travailleurs qui subissent des examens médicaux et autres ainsi que des contrôles dans le cadre des interventions menées en réponse à la menace posée par le Covid-19, et partager avec les syndicats toutes les données contribuant à la prise de décision en entreprise ; et
10. Respecter les conventions de l’OIT concernant la liberté syndicale, la négociation collective, le travail forcé, la discrimination et la santé et la sécurité au travail pour tous les travailleurs.
Les gouvernements et les employeurs devraient également dialoguer avec l’ITF et les syndicats par l’entremise de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui est l’instance appropriée pour coordonner une réponse internationale à la crise et préparer l’industrie à la relance de l’économie mondiale.
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